La Pallasite : l'extraordinaire voyage du Péridot à travers l'Univers et le temps
07 Juin 2025 | Par Collectif d'auteurs | Cristaux et sciences


Sommaire-Raccourcis :
- Différences entre Péridot terrestre / extra-solaire
Les Olivines des Météorites : Fenêtres sur la Genèse Planétaire
Entrée atmosphèrique d'une comète venant du fin fond de l'univers (https://pixabay.com).
Le péridot, variété gemme de l'olivine, se distingue par son origine double, terrestre et extraterrestre, et son histoire millénaire. Cette étude synthétise les données minéralogiques, historiques et astrophysiques récentes, révélant que 80% des spécimens muséographiques proviennent de météorites pallasitiques. Son unique chromatisme vert olive, lié à la teneur en fer (Fe²⁺), en fait un marqueur géochimique des processus mantelliques. Les analyses spectrales confirment sa présence dans les comètes interstellaires, suggérant une distribution cosmique étendue.
Structure et Classification des Pallasites
Les pallasites, représentant moins de 0,2 % des météorites répertoriées, se caractérisent par leur structure bimodale : des cristaux millimétriques à centimétriques d'olivine (Mg,Fe)₂SiO₄ enchâssés dans une matrice de fer-nickel (Fe-Ni). Les pallasites se classent dans les sidérolithes (appelée aussi lithosidérite). Elles sont composées à parts égales d'un alliage ferronickel et de silicates. Il s'agit d'une météorite pierreuse incluse en olivine-péridot à gangue métallique.
Classification simplifiée des Météorites :
https://www.musee.minesparis.psl.eu/Collections/Collections/Meteorites/Classification/
1. Structuration des Pallaisites
La classification actuelle distingue quatre groupes principaux basés sur les isotopes de l'oxygène et la composition des silicates :
Groupe principal (PMG) :
95 % des spécimens, avec des rapports Mg% (Mg/(Mg+Fe)) de 0,88 à 0,92 et des signatures isotopiques δ¹⁷O comprises entre −0,2 et +0,1 ‰ .
Groupe d'Eagle Station (PES) :
5 spécimens connus, caractérisés par un Fe/Mn double de celui du PMG et des isotopes de l'oxygène distincts.
Pallasites à pyroxène (PPX) :
Présence de 5 % d'orthopyroxène, comme dans la météorite de Vermillion.
Pallasites non groupées :
Compositions atypiques suggérant des corps parents différents.
2. Hypothèses de Formation : Du Noyau-Manteau aux Impacts Cataclysmiques
L'origine des pallasites fait l'objet d'un débat entre deux modèles principaux :
Modèle traditionnel de la frontière noyau-manteau :
Formation à l'interface entre le noyau métallique et le manteau olivineux de planétésimaux différenciés, suivie d'une disruption par collision . Ce scénario s'appuie sur les proportions équilibrées métal/olivine (50/50) et les températures de cristallisation estimées à 1 500 °C .
Modèle impactique récent :
Mélange mécanique de fragments mantelliques et de métal liquide lors de collisions à haute énergie, suivi d'une recristallisation in situ. Les travaux de Solferino et Golabek (2018) démontrent expérimentalement que l'ajout de soufre (S) accélère la croissance des grains d'olivine dans un métal partiellement fondu, favorisant la formation de textures arrondies.
Une étude de 2024 menée à l'Université de Toronto invalide partiellement le modèle traditionnel en révélant des rapports isotopiques du fer incompatibles avec une genèse profonde, plaidant plutôt pour une fusion entre un astéroïde métallique et le manteau d'un corps différencié.
3. Géochimie des Olivines : Enregistreurs de Processus Planétaires
Les analyses LA-ICP-MS (Laser Ablation Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometry) sur des olivines de pallasites révèlent :
- Des hétérogénéités en éléments rares (Al, P, Ca) au sein d'un même cristal, incompatibles avec une cristallisation magmatique classique.
- Des rapports Fe/Mn constants (35±5) dans le PMG malgré des variations de Fe/Mg, suggérant un équilibrage redox à haute température (>1 000 °C) avec diffusion couplée Fe-Mn.
- Des anomalies en Ni/Co (15-20) corrélées à la teneur en phosphore, indiquant une interaction prolongée avec le métal liquide enrichi en éléments sidérophiles.
- La découverte de zonations concentriques en Fe/Mg visibles en cathodoluminescence appuie l'hypothèse d'une recristallisation post-impact à partir de brèches olivineuses. Les modèles numériques indiquent que ce processus nécessite des corps parents d'au moins 200 km de diamètre pour maintenir des températures suffisantes durant plusieurs millions d'années.
Différences chimiques et structurales entre les olivines terrestres et celles issues des météorites pallasites
1. Composition Chimique
a - Olivines terrestres
- Formule générale : (Mg,Fe)2SiO4, série forstérite (Mg2SiO4) / fayalite (Fe2SiO4).- Rapport Mg/(Mg+Fe) :
- Olivines mantelliques typiques : Mg = 0,89–0,92 (très magnésiennes, dominées par la forstérite).
- Présence possible de traces de Ni, Ca, Mn, Cr, mais à des teneurs généralement inférieures à celles des pallasites.
- Éléments en traces ou rares :
Les olivines terrestres présentent des concentrations en Ni et Co plus faibles et des rapports Fe/Mn plus variables selon le contexte géologique (subduction, dorsale, kimberlite, etc.).
b - Olivines des pallasites
- Formule : similaire, mais souvent plus homogène sur de grands cristaux.
- Rapport Mg : Généralement dans la même gamme (0,88–0,92), mais avec une homogénéité remarquable sur de larges cristaux, traduisant une cristallisation dans des conditions très stables.
- Éléments traces ou rares :
- Teneurs en Ni, Co, P, Cr souvent plus élevées que dans les olivines terrestres, reflétant une interaction prolongée avec le métal Fe-Ni.
- Les rapports Fe/Mn sont plus constants (35 ± 5) dans le groupe principal des pallasites.
- Présence fréquente d’inclusions de schreibersite (Fe3P), troilite (FeS), et parfois de nanodiamants ou d'autres phases exotiques absentes du manteau terrestre.
- Isotopes de l’oxygène : Les olivines de pallasites présentent des signatures isotopiques (δ17O, δ18O) distinctes de celles des olivines terrestres, permettant de tracer leur origine hors-Terre
2. Structure Cristalline commune
- Système cristallin : Orthorhombique, groupe spatial Pbnm.
- Maille élémentaire : Similaire pour les deux, mais la taille de la maille peut légèrement varier selon la composition (plus de Fe = maille plus grande).
Spécificités des pallasites
1. Taille et structure des cristaux
Les olivines de pallasites forment des cristaux beaucoup plus grands (jusqu’à plusieurs centimètres), contre quelques millimètres à centimètres pour les olivines terrestres.
- Homogénéité structurale :
Les cristaux de pallasites sont remarquablement homogènes, ce qui reflète une croissance lente et stable dans un environnement peu perturbé, probablement à l’interface noyau-manteau d’un astéroïde différencié.
- Zonations
Les olivines terrestres montrent souvent des zonations chimiques (Fe/Mg, Ca) dues à des variations de conditions lors de la cristallisation, alors que les olivines de pallasites présentent des zonations concentriques spécifiques, parfois héritées d’événements d’impact ou de recristallisation post-collision.
2. Signatures et marqueurs distinctifs
- Rapports isotopiques de l’oxygène : Les olivines de pallasites ont des signatures isotopiques (Δ17O) qui ne se retrouvent dans aucun réservoir mantellique terrestre, ce qui permet une identification sans ambiguïté de leur origine extraterrestre.
- Présence d’éléments sidérophiles : Les olivines de pallasites sont enrichies en éléments sidérophiles (Ni, Co, P) par rapport aux olivines terrestres.
- Inclusions métalliques et phases exotiques : Un critère déterminant pour distinguer une olivine météoritique d’une olivine terrestre.
3. Inclusions métalliques
Les olivines de pallasites contiennent systématiquement des inclusions métalliques (Fe-Ni), de schreibersite et de troilite, qui témoignent de leur cristallisation dans un environnement très réducteur, en contact direct avec du métal liquide. Ces inclusions sont quasiment absentes dans les olivines terrestres.
Les cristaux d’olivine des pallasites sont enchâssés dans une matrice de fer-nickel (Fe-Ni), formant parfois jusqu’à 80 % du volume total de la météorite. Cette matrice métallique entoure les grains d’olivine et peut s’infiltrer sous forme de petites inclusions à l’intérieur même des cristaux.Figures de Widmanstätten : composante de référence (https://fr.wikipedia.org/wiki/Figures_de_Widmanst%C3%A4tten).
La structure du métal montre souvent des figures de Widmanstätten, caractéristiques des alliages Fe-Ni refroidis très lentement dans l’espace. À l’échelle microscopique, on observe aussi des inclusions de kamacite (Fe-Ni pauvre en Ni) et de taenite (Fe-Ni riche en Ni), ainsi que des structures de plessite résultant de la décomposition de la taenite lors du refroidissement.
4. Phases exotiques
Au-delà du fer-nickel, les olivines de pallasites hébergent des phases minérales rares ou absentes du manteau terrestre, dites « exotiques » :
- Schreibersite (Fe₃P) : phosphure de fer, fréquent dans les météorites, formant de petites inclusions dans le métal ou à la frontière métal-olivine.
- Troilite (FeS) : sulfure de fer, présent sous forme de micro-inclusions (- Spinelles chromifères (Cr-Fe-Al spinel) : parfois inclus dans ou à proximité des grains d’olivine, témoignant de conditions de formation particulières.
- Phosphates (whitlockite, stanfieldite, farringtonite, merrillite) : phases accessoires détectées dans certaines pallasites, absentes des olivines terrestres.
- Pyroxènes et chromite : présents dans certains groupes de pallasites, notamment ceux à pyroxènes.
Les Pallasites Célèbres
Brenham (Kansas, 1882) :
Fournit des cristaux de 5 cm, avec des inclusions vitreuses contenant des nanodiamants d'origine chondritique. Son âge Ar-Ar de 4,56 Ga en fait un témoin de la formation du système solaire.
Pallasite de brenham : découverte au Kansas - USA, 1882, c'est l'une des plus anciennes découverte de météorite pallasite connue (http://www.astrosurf.com/luxorion/meteorites5.htm).
Seymchan (Russie, 1967) :
Météorite mixte (pallasite + hexaédrite) dont les olivines présentent un gradient de Mg# (0,89 à 0,84) sur 2 cm, trahissant un refroidissement hétérogène.

Fukang (Chine, 2000) :
Spécimen exceptionnel par la transparence de ses olivines, utilisés en joaillerie spatiale. Les analyses SIMS (Secondary Ion Mass Spectrometry) y ont détecté des rapports isotopiques du titane (⁵⁰Ti/⁴⁷Ti) anormalement élevés, signant une origine extrasolaire.

Implications Cosmogoniques
ALMA : Atacama Large Millimeter submillimeter Array complexe radiotélescope au Chili
La présence d'olivine dans les comètes interstellaires (e.g., 2I/Borisov) et les disques protoplanétaires observés par ALMA suggère que les processus à l'œuvre dans les pallasites pourraient être universels. Les missions Hayabusa2 (Ryugu) et OSIRIS-REx (Bennu) apportent des données cruciales sur la distribution spatiale des minéraux mantelliques dans les astéroïdes primitifs.
Les récentes avancées en tomographie neutronique permettent désormais de cartographier les réseaux métalliques 3D sans altérer les échantillons, ouvrant de nouvelles perspectives pour l'étude in situ des mécanismes de solidification.
Portée scientifique
Les olivines des météorites pallasites sont remarquables non seulement par leur taille et leur composition, mais aussi par la diversité et la nature de leurs inclusions métalliques et phases exotiques, qui constituent des marqueurs essentiels de leur genèse extraterrestre.
La présence de ces inclusions métalliques et phases exotiques dans les olivines de pallasites est le reflet d’une cristallisation à l’interface noyau-manteau d’astéroïdes différenciés, dans des conditions très réductrices et à haute température.
En résumé, les olivines des météorites pallasites sont des témoins privilégiés de la chimie des corps parentaux astéroïdaux, grâce à leurs inclusions métalliques (Fe-Ni, kamacite, taenite, schreibersite, troilite) et à la présence de phases minérales exotiques, qui n’existent pas dans les olivines terrestres. Les analyses métallographiques révèlent des motifs de Widmanstätten dans la matrice métallique, témoignant d'un refroidissement extrêmement lent (~1 °C/siècle) après cristallisation. La présence de schreibersite (Fe₃P) et de troilite (FeS) en inclusions nanométriques constitue une signature diagnostique des environnements réducteurs propres aux astéroïdes différenciés.
Références citées et sources scientifiques :
- ALMA : (Atacama Large Millimeter/ submillimeter Array) est un complexe radiotélescope de 156 km composé d’une soixantaine de paraboles blanches de 7 à 12 mètres situé dans le désert chilien d’Atacama.
https://www.eso.org/public/teles-instr/alma/
- Greenwood, R.C., et al. (2015). Oxygen isotope evidence for accretion of Earth’s water before a high-energy Moon-forming giant impact.
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0016703715005440
- Geochimica et Cosmochimica Acta, 169, 115–136.
https://karmaka.de/?p=36492
- Schreibersite analysis
5 NASA (2010)
https://ntrs.nasa.gov/citations/20120007401
- Pallasite classification
University of Toronto (2024)
https://www.artsci.utoronto.ca/news/earth-sciences-researchers-probe-origin-most-beautiful-meteorites
- https://www.gia.edu/peridot-description
- Mittlefehldt, D.W., et al. (1998). Geochemistry and origin of pallasite meteorites. Geochimica et Cosmochimica Acta, 62(16), 3169–3182.
- Buseck, P.R. (1977). Pallasite meteorites—Mineralogy, petrology and geochemistry. Geochimica et Cosmochimica Acta, 41(6), 711–740.
- Mindat.org – Olivine, Pallasite
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- https://www.sciencedirect.com
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https://www.academia.edu/76037274/Pallasite_meteorites_mineralogy_petrology_and_geochemistry
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